dimanche 9 août 2015

La stagiaire 1/6

Le Quotidien du Médecin publie chaque semaine un épisode de cette mini-série policière. Les six épisodes seront publiés sur ce blog à raison d'un par semaine.
 
Épisode 1
 
Un colis embarrassant
 
Le commissaire Desjoux fronça les sourcils. Les deux agents devant la porte de l’appartement n’avaient pas des airs très fringants et le soulagement qu’il lut dans leur regard à son arrivée n’augurait rien de bon. Si ces idiots avaient signalé à la PJ une « mort suspecte » pour se débarrasser d’un colis avarié, ils allaient l’entendre ! Quelque chose explosa sous sa semelle avec un bruit mou.

— Faites attention aux asticots, monsieur le commissaire. C’est comme ça que les voisins… ils se faufilent sous la porte, voyez.
Desjoux fit un effort pour se contrôler. Cinq étages sans ascenseur et maintenant ça !
— Vous n’avez touché à rien, j’espère !
Les deux hommes se regardèrent.
— On n’est pas censés entrer, commissaire. C’est la demoiselle…
— La quoi ?
— La fille de l’Identité judiciaire. Elle nous a mis dehors en nous demandant de vous appeler.
Desjoux ne connaissait personne à l’IJ qu’on aurait pu qualifier de « demoiselle ». Il prit une profonde inspiration, colla un mouchoir sur sa bouche et poussa la porte de l’appartement.
L’odeur était épouvantable et il constata rapidement que le mouchoir ne lui était d’aucune utilité.
— Fermez la porte.
Il obéit sans réfléchir. Le ton de voix ne lui avait laissé aucune alternative. Ce n’était pourtant qu’une très jeune femme. Elle était penchée sur le cadavre gisant au milieu de la pièce, engoncée dans un tailleur qui semblait incongru en ces lieux. Elle se leva, balaya machinalement un asticot qui essayait de remonter le long de son gant et lui tendit une main minuscule qu’il se garda bien de serrer. Elle ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans.
— Je vous attendais, commissaire…
— Desjoux, balbutia-t-il. Qu’est-ce que… ?
Un autre bruit mou sous sa chaussure.
— Attention où vous marchez, commissaire. J’aurai besoin de spécimens pour l’examen toxicologique.
— Je ne… Où est le légiste ?
— Le docteur Corneille a la grippe, j’ai dû le remplacer au pied levé. Venez, il faut que je vous montre quelque chose.
— Je ne vous ai jamais vue à l’IJ.
— C’est possible. En fait, je suis en stage pour mon diplôme de spécialisation complémentaire en expertises médico-légales. Rassurez-vous, j’ai les compétences requises pour ce genre de cas.
Avant que Desjoux ait pu riposter, elle était déjà retournée auprès du corps, détachant une partie des vêtements qui s’étaient collés à la peau du cadavre. Un effluve de gaz pestilentiels poussa le policier à chercher refuge près de la fenêtre.
— Qu’est-ce que vous faites ? Vous devriez attendre que…
— J’ai trouvé quelque chose qui devrait vous intéresser, commissaire. Regardez.
Le cadavre était celui d’une femme. Malgré l’aspect marbré de sa peau et les gonflements de son corps difforme, elle ne devait pas avoir plus de trente ans. La fille désignait un point sous le sein gauche où s’affairait une colonie de larves blanches.
— Voyez ? On ne voit plus l’ouverture à cause de la distension due aux gaz, mais l’autopsie révèlera une plaie profonde à cet endroit. L’accumulation de nécrophages est caractéristique.
Il y avait un revolver sur le sol près du cadavre. Un petit objet dur et plat.
— Ça m’a tout l’air d’un suicide, euh… mademoiselle.
— Amélie, Amélie Bourdin. Non, votre assassin est totalement stupide. Il a cru donner le change en arrangeant cette mise en scène, mais nos petits nécrophages ne mentent pas. Cette femme a été tuée ailleurs il y a une dizaine de jours, préservée dans un endroit hermétique et son corps transporté ici il y a environ soixante-douze heures.

La suite par ici. 

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