vendredi 27 janvier 2017

La stratégie de division – comment les réseaux sociaux sont devenus les nouveaux vecteurs de propagande.

Il fut un temps où la chose qui m’horripilait le plus sur Facebook était l’interminable défilé de photos de chats. Non pas que j’aie une dent contre nos amis félidés, mais voir défiler des centaines de posts de chats chaque fois que je voulais consulter mon fil d’actualités a rapidement eu raison de ma patience.

Je note pourtant un changement depuis quelque temps où l’inévitable photo de chat a fait place à quelque chose de bien plus dérangeant. Je devrais en être soulagé mais en fait, ça m’inquiète quand même un peu. Le changement ne s’est pas fait en un jour mais il semblerait que les animaux-mignons soient progressivement remplacés par les posts de propagande. Tout un chacun semble subitement s’être transformé en « justicier du web ». Du jour au lendemain, me voici interpellé un post sur deux par des diatribes et des slogans pour ou contre telle cause, sexe, religion, parti ou individu auquel je suis sommé d’agréer. Le plus souvent sur la base d'informations partisanes, biaisées ou partielles, quand elle ne sont pas mensongères.

Si mes sujets d’intérêts étaient politiques ou sociétaux, je comprendrais. Mais ce n’est pas le cas. La majorité de mes contacts sont des auteurs comme moi, des amis, des lecteurs, des collègues du métier du Livre. Que vient faire la politique dans tout ça et pourquoi devient-elle si proéminente soudainement ?

Que les gens aient des opinions et qu’ils les expriment ne me dérange pas plus que ça, ça m’arrive également, mais pourquoi ai-je l’impression que les posts propagandistes sont en train de proliférer pour nous interpeller et nous dresser les uns contre les autres ?

Qu’est-il en train de se passer ? Comment les utilisateurs des réseaux sociaux en sont-ils venus à devenir des chambres d’écho pour les organes de propagande et pourquoi cela est-il en train de détruire la fabrique même de cet outil de lien social ?

C’est le sujet de cet article.


La grande division

 

Les deux dernières années ont été riches en conflits politiques et sociétaux dont le seul but semble être d’agir comme vecteurs de division entre les gens. Chrétiens contre musulmans, homme contre femme, Trump contre Clinton, mondialistes contre nationalistes, LGBT contre Manif pour Tous, etc. Dans tous ces débats, il n’y a pas de position neutre. Vous devez vous situer d’un côté ou de l’autre de la barrière. Noir ou blanc, le marteau ou l’enclume. Il n’y a pas de place pour les opinions nuancées. Et, bien évidemment, si vous avez le malheur de choisir un camp, vous êtes immédiatement agressé par tous ceux qui ont choisi l’autre.

Les liens se font et se défont sur des opinions sans appel. Nous sommes pris à parti sans l’avoir demandé. Le pire est sans doute qu’il est impossible, à un moment où à un autre, de ne pas flancher et vous lancer vous-mêmes dans la bataille. Vous êtes en quelque sorte aspiré dans la lutte, la cause, le combat.

Et si, par malheur, vous essayez d’éviter les généralisations et considérez que la bêtise et la méchanceté viennent sous toutes les formes et n’ont, de façon démontrable, rien à voir avec la couleur de peau, le sexe, les croyances, l’ethnie, l’opinion politique ou tout autre caractère générique, vous êtes assez mal barré dans ce concert d’opinions tranchées.

Vous en venez même à regretter les photos de chat. Parce qu’eux, au moins, n’essayaient pas de vous dresser les uns contre les autres, de répandre entre amis le poison de la discorde, de défaire cette unité et ce partage, tout virtuels qu’ils fussent, qui sont l’esprit même des réseaux sociaux.

À qui profite le crime ?

 

La vraie question à se poser, comme tout bon inspecteur vous le dira : À qui profite le crime ? Il me semble que si les gens s’arrêtaient un instant pour réfléchir et analyser les faits, leurs opinions ne changeraient pas forcément mais leurs préoccupations seraient toutes autres.

Prenons un exemple, toujours d’actualité mais un peu moins en vedette aujourd’hui. On a beaucoup parlé des migrants, de leur misère et leurs souffrances, du fait de les accepter ou de les refuser sur le territoire, etc. Le sujet légitime de bien des débats et de posts. Mais derrière ce débat, personne ne semble se poser certaines questions fondamentales. Quelles sont les vraies raisons derrière ces soudaines migrations ? Qui ou quoi ces gens fuyaient-ils ? N’était-ce pas notre propre gouvernement et notre armée qui avaient contribué à détruire leur pays ? Qui a parlé de cela ? Qui s’est révolté à l’idée que nous ayons aidé à détruire la Lybie ou la Syrie qui ne nous avaient jamais rien fait et qui étaient nos alliés ? N’était-ce pas là un vrai sujet ? Qui décide de ces guerres ? Pas nous ! Pas les migrants. Pourquoi les gens parlent-il à l’unisson du « problème migratoire » sans jamais réfléchir à la vraie source du problème ? Qui nous dit quoi penser et sur quelles causes nous indigner ? Que veulent-ils nous empêcher de regarder ?

Au lieu de se déplacer comme deux bancs de sardines au gré des gros titres des médias (dont j’ai déjà dit tout le bien que je pense), au lieu de se laisser guider par les slogans concoctés dans les officines de comm des Dassault, Lagardère, Bouygues, JP Morgan Chase et consorts (ces conglomérats financiers qui vivent de la vente d’armes ou de pétrole et possèdent ou contrôlent la majorité des médias), si les gens se donnaient la peine de regarder les choses en face, peut-être pourrions-nous commencer à avoir des échanges constructifs et arrêter de nous taper sur la gueule pour tourner notre juste colère vers les vrais problèmes (et, accessoirement, les responsables de ces problèmes).

Les nouvelles plateformes de propagande 

 

Jusqu’à présent, les pouvoirs en place comptaient sur la presse officielle pour faire le boulot mais nous vivons dans un monde qui change. Aujourd’hui, comme l’ont prouvé le Brexit et l’élection américaine, la presse officielle a perdu son pouvoir de faiseuse d'opinion. Ce n’est plus un outil fiable pour influencer la façon dont les gens pensent, agissent ou votent. Les gens ne croient plus les médias officiels, ils croient les gens. Leurs amis et connaissances. Leur réseau.

La puissance qui monte, ce sont les réseaux sociaux. Des milliards de gens connectés. Facebook, Twitter, YouTube, etc., sont devenus les médias les plus puissants du monde. C’est pour cette raison que nous voyons de plus en plus de posts à caractère propagandiste sur ces mêmes réseaux. Parce que c’est un média que les gens consultent encore, quand les autres sont en déliquescence à force de nous mentir.

Le but de ce progressif envahissement des réseaux sociaux par la propagande n’est pas « d’éveiller notre conscience citoyenne » ou je ne sais quelle ânerie. Il est là pour servir un agenda bien précis et, pour être tout à fait candide, cet agenda n’est pas dans notre intérêt.

La vérité rassemble et rend plus fort. Le mensonge divise et affaiblit. Ne laissons pas notre réseau tomber entre les mains de ces gens dont la devise est « Diviser pour conquérir, mentir pour nous enrichir ». Ne devenons pas leurs agents de propagande.

Alors, la prochaine fois que vous voyez un post ou un tweet qui tente de diviser les gens, posez-vous la question. Arrêtez-vous un instant pour réfléchir et, si le sujet vous touche, allez faire votre propre recherche sur ce que cette « information » glanée dans les médias essaie de cacher et dans l’intérêt de qui elle est ainsi propagée.

N’ayez pas peur de sortir du banc de sardines même si tout le monde vous assure que les prédateurs rôdent et ne feront qu’une bouchée du poisson isolé que vous êtes.

Parce que, si vous ne le faites pas, les réseaux sociaux suivront la même courbe que les médias traditionnels. Et beaucoup plus rapidement que vous ne l’imaginez. Les gens quittent déjà le navire.

Si vous désirez défendre cet espace d’expression et de liberté, ne laissez pas la propagande l’empoisonner. Ne vous déchirez pas entre amis sur les faux sujets qui vous sont dictés par les médias. Apprenez à observer et à penser par vous-mêmes. Invitez le débat d’idées. Restez ouvert aux autres et à leurs différences. Et ne laissez personne vous dicter quoi penser ou dans quelle direction regarder.

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